Histoire

Dans les traces de l’Hydroptère

9 Juillet 2020

Si le projet SP80 a été mis sur pied par des ingénieurs et étudiants de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), ce n’est pas par hasard. Plus jeunes, ils ont tous suivis avec admiration les vitesses affolantes atteintes par l’Hydroptère, bateau développé en collaboration avec l’école polytechnique lausannoise. Dix ans plus tard, ils espèrent profiter de l’expertise acquise par les professeurs et laboratoires pour que SP80 devienne à son tour le bateau à voile le plus rapide du monde en 2022!

Imaginé par Eric Tabarly puis développé par Alain Thébault, l’Hydroptère est un trimaran à foils, autrement dit un bateau qui peut s’élever au dessus de l’eau. En 2006, grâce à l’intervention de la famille Lombard, l’EPFL est accueilli à bord du projet, collaboration qui portera le bateau jusqu’au record du monde de vitesse à la voile en 2009 – © Guilain Grenier

4 Septembre 2009. L’Hydroptère est le bateau à voile le plus rapide du monde (95 km/h de moyenne sur 500m) mais aussi le 1er à passer la barre mythique des 100 km/h. Repousser ainsi les limites de la technologie et de la physique demande un savant mélange d’innovation, de connaissances et d’infrastructures, mélange que l’EPFL était capable de fournir. Forte de son expérience avec l’équipe suisse Alinghi engagée dans la Coupe de l’America, l’EPFL savait qu’elle pouvait être une valeur ajoutée considérable au projet porté par le navigateur français Alain Thébault. “Les collaborations avec Alinghi et l’Hydroptère ont été des temps forts de l’histoire de l’école générant énormément d’innovations, de recherches et de challenges à relever » souligne Pascal Vuilliomenet, chef de projet. « SP80 s’inscrit exactement dans la même dynamique si ce n’est que cette fois, le projet est initié par des étudiants et ingénieurs diplômés de l’EPFL, ce qui rend l’histoire encore plus belle. De nombreux étudiants profitent de ce projet pour parfaire leurs connaissances et les laboratoires, tout en servant de guides, restent ouverts aux idées novatrices qui pourraient émerger de cette nouvelle génération.”


Parmi les cinq laboratoires impliqués à l’époque avec l’Hydroptère, trois ont déjà mis à disposition des ressources et connaissances pour SP80, un soutien précieux dans la quête du record. A commencer par le laboratoire de composites du Prof. Véronique Michaud, responsable académique du projet. “SP80 est une magnifique aventure, tout aussi exigeante que l’Hydroptère ne l’était. Je suis ravie de pouvoir les aiguiller dans leurs choix tant académiques que techniques. Grâce au LPAC, nous leur transmettons notre savoir sur les matériaux composites, et leur mise en oeuvre, notamment sur les fibres de carbone, incontournable pour des bateaux aussi performants. Ils ont ainsi toutes les cartes en main pour optimiser au mieux le design et aller chercher les limites structurelles tout en restant dans le domaine de la sécurité.”

L’aspect hydrodynamique n’est pas en reste puisque l’EPFL dispose d’une infrastructure unique: un tunnel de cavitation pouvant accélérer l’eau jusqu’à 180 km/h. Tester les profils immergés à ces vitesses donne des informations précieuses sur leur comportement et leur performances, là où la simulation numérique est encore un peu hésitante. Bien que les problématiques physiques en jeu ne soient pas tout à fait les mêmes entre SP80 et l’Hydroptère, Mohammed Farhat, responsable de l’infrastructure et membre du Laboratoire de Machines Hydrauliques (LMH) constate: “L’Hydroptère était une expérience fantastique en tant que chercheur, qui nous a poussé à nous réinventer. Avec SP80 c’est la même chose! Cette jeunesse leur donne en plus une certaine innocence qui les amène à explorer des terrains sur lesquels certains “anciens” n’auraient peut-être pas osé s’aventurer. Bien sûr, cela ne fonctionne pas toujours du premier coup mais les résultats obtenus en si peu de temps sont très encourageants et sont le fruit d’une démarche scientifique déjà bien aboutie!”

Ces résultats expérimentaux servent ensuite à alimenter et valider les simulations numériques notamment développés au sein du Laboratoire de vision par ordinateur (CVLAB), dernier laboratoire à s’être investi pour l’Hydroptère et SP80.

A la croisée de toutes ces entités se trouve le coordinateur académique, Robin Amacher, architecte naval qui était membre du design team de l’Hydroptère à l’époque des records: “Si le vent sera bien sûr le moyen de propulser le bateau, le vrai moteur d’un tel projet est avant tout les rêves et la passion. C’était déjà vrai pour l’Hydroptère, et ça l’est encore pour SP80. C’est vraiment super de voir ces jeunes hyper-motivés se lancer dans une telle entreprise. Ils ont beaucoup de culot, c’est vrai, mais ils ont aussi les moyens de leurs ambitions, notamment un solide bagage scientifique et déjà pas mal d’expérience pratique, qu’ils ont entre autre acquis grâce à des projets interdisciplinaires comme Hydrocontest. Mon but est de les aider à réaliser leur objectif en assurant la liaison avec l’EPFL, et aussi en leur faisant profiter de mon expérience. Si je peux leur éviter de reproduire des erreurs déjà commises, c’est autant de temps de gagné!”

Et les étudiants dans tout ça? “L’Hydroptère cristallise tout ce que j’aime: la recherche de vitesse et l’innovation” explique Benoit Gaudiot, co-fondateur du projet SP80. “En 2009, quand ils ont battu le record du monde de vitesse à la voile sur 500m, je faisais justement du kite à Hyères avec mes parents. J’avais 12 ans et faisait partie de l’équipe de France de kite de vitesse. La vitesse c’était donc ma passion et à l’époque, voir un tel engin repousser autant les limites physiques me faisait rêver. Aujourd’hui, avec SP80, le rêve n’est plus si loin!” L’Hydroptère a bel et bien fait plus que battre le record du monde de vitesse à la voile, il a inspiré toute une génération à lui emboîter le pas: SP80 marche donc dans ses traces…

Charles de Sarnez travaillant sur les simulations numériques des hydrofoils du bateau SP80 avec le Laboratoire de vision par ordinateur (CVLAB).

Aurore Kerr, responsable communication

Photo en en-tête: © Guilain Grenier